Marcelle Delpastre, femme de lettres et de terre
Auteur : Stenta Miquèla
Marcelle Delpastre (1925-1998) passa sa vie
dans la ferme où elle est née, à
Germont, commune de Chamberte, en Limousin, entre travail
de la terre et écriture. Son but fut de faire son
œuvre, essentiellement poétique.
De la ferme familiale à la mémoire
éthnographique
Après l’internat à Brive
et le baccalauréat, elle fit une année
d’Arts Déco à Limoges. Malgré
son intérêt pour cette formation, elle
n’en poursuivit pas la voie. Elle resta à la
ferme, où, au fil des ans, et à mesure que
disparaissaient, un à un, les membres de la
famille, elle se trouva en charge de toute la
propriété avec le statut d’aide
familiale.
Issue d’une famille paysanne traditionnelle, elle
connaissait et pratiquait les savoir-faire, être et
dire hérités de siècles de
civilisation païenne. Consciente d’être
réceptrice de cette culture, elle fit œuvre
d’ethnographe pour conserver, faute de transmettre,
un savoir-vivre dont elle savait la fin prochaine. Elle ne
se contenta pas de décrire, mais donna le sens
profond de pratiques millénaires. Elle était
toujours prête à expliquer, dire des contes,
des chansons.
Une vie de poésie
Le plus fort dans sa vie, ce qui la tint
jusqu’à ne vivre que pour ça,
c’est la poésie. La poésie, à
qui elle s’affronta, se heurta, avec qui elle
s’empoigna, dans un corps à corps permanent.
La poésie, en occitan et en français, pas en
traduction mais comme elle venait, qui est pour Marcelle
une expression de l’être au monde dans une
dimension cosmogonique. Car, pour elle, le poète
est un instrument aux mains de la poésie, un
passeur de la conscience du monde.
L’œuvre
delpastrienne contient aussi les Mémoires, long
récit non pas seulement de sa vie, mais regard
souvent distancié sur les événements,
le monde, la société, plume poétique
aussi qui donne à voir comme un tableau.
Femme
de la terre se mêlant d’écrire, elle
fut souvent bafouée autant par le voisinage que par
les médias, considérée avec
condescendance. Son sens du dérisoire et son rire
de clarine la sauvaient de cette blessure.
Elle
mourut paralysée dans le lit où sa
mère avait accouché, où moururent son
père et sa grand-mère. L’œuvre
fait entendre une voix totalement originale dans
l’écriture d’oc, d’une
intensité et d’une densité à la
hauteur d’un destin de femme-poète qui se
sacrifia à elle.