PORTRAITS

Jasmin, le « poète-perruquier »
Auteur :  Mazodier, Estelle, CIRDÒC-Mediatèca occitana

< Autres formes du nom

Boé, Jacques
Gensemin
Jansemin
Jasmin. Lithographie humoristique de Bertrand Oudin (XIXème siècle). Mention : «L e jasmin vert et blanc, douce et modeste plante, d'un vrai parfum     n'est pas vaniteux et hautain, et diffère en cela de la fleur     insolente, qui croit dans le jargon cultivé par Jasmin!».     Probablement extrait de l'Album de l'homme gris. Coll. Bibliothèque municipale de Bordeaux.

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Boé, Jacques
Gensemin
Jansemin
Jasmin, le « poète-perruquier »
Auteur :  Mazodier, Estelle, CIRDÒC-Mediatèca occitana
Ainsi l'avait surnommé Balzac ! Sa renommée l'ayant mené dans les salons parisiens, hauts lieux de la « jet-set » de l'époque, Jasmin a porté la parole du peuple en occitan jusqu'à la capitale, restant quelque peu enfermé cependant dans le stéréotype du « gascon », qu'il revendiquait, d'ailleurs. Un personnage charismatique, auteur prolixe et proche du peuple, quelque peu oublié aujourd’hui, mais qui a ouvert la voie à de nombreux poètes de langue d'oc.

Jasmin, un poète-ouvrier qui n'en est pas un !

Né le 6 mars 1798 dans une famille pauvre de l'agenais, Jacques Boé (de son vrai nom) reçoit malgré tout une instruction et témoigne d'une véritable culture littéraire de son temps.Très jeune, il s'installe comme coiffeur à Agen. Cette période, suivant la Révolution, voit l'essor social d'un petit peuple ouvrier des villes à côté de la figure toujours importante des paysans des campagnes.
Son commerce rapidement florissant lui laisse le temps de se consacrer à sa passion pour l'écriture. Il choisir de s'exprimer en occitan, la langue du peuple :

« O ma lengo, tout me zou dit.
Plantarey uno estelo a toun froun encrumit » (graphie de l'auteur)

« Ô ma lenga tot m'o ditz.
Plantarai una estela a ton front encrumit. »

« Oh ma langue, tout me le dit.
Je placerai une étoile à ton front obscurci ».

(Épître à Charles Nodier « Des cranto de Paris »).


S'il n'appartient pas à proprement parler au milieu ouvrier, il vit en ville et le fréquente. On ne peut le qualifier de poète engagé, mais dans ses écrits, il se fait le témoin de son époque, défendant un style réaliste (qui n'empêche pas l'humour) et traitant de thématiques diverses telles que l'amour, les évolutions technologiques de son temps, et défendant des valeurs humanistes : la liberté, la charité...

Jasmin, un « showman »

Ses poèmes, s'ils furent imprimés dans divers recueils, sont avant tout destinés à être déclamés, voire chantés ! Grand orateur, Jasmin se produit devant un public de plus en plus nombreux : il entame très tôt un tour de France des régions (on dirait aujourd'hui une tournée !), se rendant d'un bout à l'autre de l'Occitanie pour présenter son œuvre à un public qui, tout en connaissant la langue, ne sait pas la lire. Ses apparitions se transforment peu à peu en véritables spectacles : il se produira ainsi à Toulouse accompagné de 20 musiciens et de plus de 380 figurants !
L'argent récolté lors de ses spectacles (plus d'un million et demi en 12 000 représentations) est reversé à des œuvres de bienfaisance.

La reconnaissance du monde littéraire

Charles Nodier, académicien français, le découvre et lui ouvre les portes des salons parisiens. Il y rencontre tour à tour Lamartine, Ampère, Chateaubriand et sera même reçu par le roi Louis-Philippe en 1842.
Récompensé de prix littéraires par le Félibrige, l'Académie d'Agen, et, aussi surprenant que cela puisse paraître, par l'Académie Française, il est même fait chevalier de la Légion d'Honneur en 1845. Cependant, on peut supposer que l'intérêt qu'il suscite dans le monde parisien n'est pas dénué d'une certaine condescendance et demeure lié à l'exotisme que renvoie son image de « gascon » avec toutes les connotations positives comme péjoratives que cela suppose.
Après cette période de gloire, sa statue trône toujours à Agen, sa ville natale et Jasmin a laissé son nom à une rue parisienne ainsi qu'une station de métro !