Né le 6 mars 1798 dans une famille pauvre de
l'agenais, Jacques Boé (de son vrai nom)
reçoit malgré tout une instruction et
témoigne d'une véritable culture
littéraire de son temps.Très jeune, il
s'installe comme coiffeur à Agen. Cette
période, suivant la Révolution, voit
l'essor social d'un petit peuple ouvrier des villes
à côté de la figure toujours
importante des paysans des campagnes.
Son commerce
rapidement florissant lui laisse le temps de se
consacrer à sa passion pour l'écriture. Il
choisir de s'exprimer en occitan, la langue du peuple :
« O ma lengo, tout me zou dit.
Plantarey uno
estelo a toun froun encrumit »
(graphie de l'auteur)
« Ô ma lenga tot m'o ditz.
Plantarai una estela a ton front encrumit.
»
« Oh ma langue, tout me le dit.
Je
placerai une étoile à ton front obscurci
».
(Épître à Charles Nodier
« Des cranto de Paris »).
S'il n'appartient pas à proprement parler
au milieu ouvrier, il vit en ville et le
fréquente. On ne peut le qualifier de
poète engagé, mais dans ses écrits,
il se fait le témoin de son époque,
défendant un style réaliste (qui
n'empêche pas l'humour) et traitant de
thématiques diverses telles que l'amour, les
évolutions technologiques de son temps, et
défendant des valeurs humanistes : la
liberté, la charité...
Ses poèmes, s'ils furent imprimés dans
divers recueils, sont avant tout destinés
à être déclamés, voire
chantés ! Grand orateur, Jasmin se produit devant
un public de plus en plus nombreux : il entame
très tôt un tour de France des
régions (on dirait aujourd'hui une tournée
!), se rendant d'un bout à l'autre de l'Occitanie
pour présenter son œuvre à un public
qui, tout en connaissant la langue, ne sait pas la lire.
Ses apparitions se transforment peu à peu en
véritables spectacles : il se produira ainsi
à Toulouse accompagné de 20 musiciens et
de plus de 380 figurants !
L'argent
récolté lors de ses spectacles (plus d'un
million et demi en 12 000 représentations) est
reversé à des œuvres de
bienfaisance.
Charles Nodier, académicien français, le
découvre et lui ouvre les portes des salons
parisiens. Il y rencontre tour à tour Lamartine,
Ampère, Chateaubriand et sera même
reçu par le roi Louis-Philippe en 1842.
Récompensé
de prix littéraires par le Félibrige,
l'Académie d'Agen, et, aussi surprenant que cela
puisse paraître, par l'Académie
Française, il est même fait chevalier de la
Légion d'Honneur en 1845. Cependant, on peut
supposer que l'intérêt qu'il suscite dans
le monde parisien n'est pas dénué d'une
certaine condescendance et demeure lié à
l'exotisme que renvoie son image de « gascon
» avec toutes les connotations positives comme
péjoratives que cela suppose.
Après
cette période de gloire, sa statue trône
toujours à Agen, sa ville natale et Jasmin a
laissé son nom à une rue parisienne ainsi
qu'une station de métro !