Henri IV, le gentilhomme gascon
Auteur : CIRDÒC-Mediatèca occitana
Henri IV de France et de Navarre est
entré dans l'histoire comme « le Bon roi
Henri » ou « le Béarnais» , deux
surnoms qui témoignent de la légende qui
s'est emparée très tôt de la figure
d’un roi au destin peu commun. D’abord roi de
Navarre et chef du parti protestant contre la dynastie des
Valois, il devient roi de France catholique en 1589.
Naissance d'un symbole
Henri de Navarre est l’héritier d’un
royaume qui mène une importante politique
d’indépendance vis-à-vis de
l’Espagne et la France. Sa naissance en 1553 est
mise en scène par son grand-père, le roi
Henri II d'Albret, comme un acte d'affirmation de la
souveraineté et des spécificités de
son royaume vis-à-vis de ses encombrants voisins.
Dans un château de Pau paré pour l'occasion
des plus riches tentures aux couleurs des
Béarn-Navarre, Jeanne d'Albret met au monde le
jeune prince sur l'air de
Nouste dame deu cap deu poun (vieille chanson
béarnaise).
Henri, devenu roi de
Navarre et chef du parti protestant, comprend lui aussi
très tôt le sens des symboles. Pour
construire sa légende, il reçoit la
contribution des écrivains de la renaissance
littéraire gasconne initiée par sa
mère Jeanne d'Albret, dont le plus important, le
très « patriotique » Pey de Garros,
compose ainsi des Poesias gasconas où il contribue
à la création du mythe du « bon roi
Henri »... de Navarre.
Un Gascon à la Cour de France
Mais alors que catholiques et protestants se
déchirent au cours des Guerres de Religion, son
accent et ses manières d'homme élevé
« à la béarnaise » vont
être tournés en ridicule par le Parti
catholique et royal. C’est la naissance du
personnage du « Gascon » et du genre de la
« gasconnade », qui perdureront dans le
comique français jusque tard au XVIIe
siècle. Ce personnage du Gascon fanfaron et
beau-parleur va même renaître à la fin
du XIXe siècle avec Cyrano de Bergerac
d’Edmond Rostand.
L'héritage
béarnais d'Henri IV aura ainsi deux facettes du
vivant du roi. Mais sa mort soudaine et violente en 1610
va faire des sujets de moquerie d'hier les symboles d'un
roi simple et proche de son peuple. Le motif du Gascon
s'inverse lorsque, en 1611, l’écrivain
Guillaume Ader crée l’idéal Gascon
avec un chef-d’oeuvre de la littérature
occitane, Lo Gentilome Gascon. Son héros,
Henric Gascoun, se confond avec Henri IV ainsi
décrit en conquérant flamboyant, glorieux
chef de guerre.
« Notre Bon roi Henri »
Dès lors, Henri IV sera le « Bon roi Henri
», le Béarnais, une figure positive tour
à tour utilisée par les différents
camps, tant royalistes que révolutionnaires,
encyclopédistes...
Pourtant, si Henri
maintient de son vivant la souveraineté politique
(les États de Béarn), juridique (
Fors et coutumes) et même linguistique (Henri IV ne s'adresse
à ses sujets béarnais qu’en occitan)
de ses États, le roi de France n’en
sera pas moins le grand continuateur de la marche vers
l’absolutisme et le centralisme, dont la langue
unique ne peut être que la langue historique des
rois de France et de leur domaine, le français.